Nous annonçons la création de BESTREMA, un bureau d'études structure spécialisé dans les monuments anciens. Un des objectifs de cette société est de participer à la diffusion des connaissances sur la structure des monuments anciens auprès du grand public.

Les nouveaux articles que nous écrirons seront désormais mis en ligne sur bestrema.fr. Les anciens articles qui ont déjà été publiés ces deux dernières années resteront à votre disposition sur Combien ça porte. Nous vous remercions d'avoir suivi ce blog, et nous remercions tout particulièrement les lecteurs qui ont partagés avec nous leurs observations sur les structures des monuments anciens.


5 janvier 2013

Calcaires - Poids et résistance

1  Introduction

La résistance à la compression des maçonneries anciennes dépend de la résistance des pierres, de la résistance du mortier, et de la typologie de la maçonnerie (mur à simple ou double parement, avec ou sans fourrure, etc.). Nous allons étudier sur ce blog ces points successivement, en commençant dans cet article par la résistance à la compression et le poids volumique des pierres calcaires.
Variabilité des résultats  La principale difficulté pour l'étude des caractéristiques des calcaires provient de la grande variabilité des valeurs mesurées. Par exemple, pour la résistance à la compression, il existe une différence :
  • entre les différentes carrières (de 15kg/cm2 pour le tuffeau d'Antoigné à 2600 kg/cm2 pour la pierre de Comblanchien) ;
  • entre les différents bancs d'une même carrière ;
  • entre les différentes pierres tirées d'un même banc1 (jusqu'à un rapport de 1 à 6 par exemple pour la pierre de Saint-Pierre Aigle roche franche - Noël 1968 [20]), même en excluant les différences liées à un défaut évident de la pierre ;
  • entre les différents échantillons tirés d'une même pierre (jusqu'à un rapport de 1 à 2 environ), même en excluant les différences liées à un défaut évident de la pierre.
En raison de cette variabilité, il n'est pas possible de connaître la résistance exacte d'une pierre sans l'avoir testée, et donc, les essais étant destructifs, sans l'avoir détruite. Il existe de nombreuses tables de résistance des pierres, qui permettent de se donner des ordres de grandeur de la résistance, mais comme l'indique Dupuit : "Le constructeur ne peut donc consulter avec grand profit les tables [...] car elles ne peuvent lui apprendre quelle sera réellement la résistance des matériaux qu'il a à sa disposition ; il ne peut y trouver que certaines limites dans lesquelles elle est contenue" (1870 [11]).
Stabilité géométrique   La résistance à la compression des pierres est souvent beaucoup plus grande que celle réellement nécessaire pour résister aux charges qu'elles supportent. Rondelet note ainsi : "la plupart des pierres à bâtir ont une force plus que suffisante pour les bâtiments ordinaires, et même pour les grands édifices" (1805 [25]). Ce qui est vrai pour la construction l'est aussi pour la restauration, et Halleux écrit à ce sujet : "Notre expérience de restauration nous a d'ailleurs montré que des pierres ne cèdent par écrasement que dans des circonstances manifestement pathologiques" (2002 [14]). Il est souligné avec force par de nombreux auteurs le caractère essentiellement géométrique de la stabilité des maçonneries, ne faisant pas intervenir la résistance des matériaux (Heyman 1995 [16]). La résistance à la compression de la maçonnerie n'interviendra donc que dans des cas particuliers, pour des édifices très chargés (par exemple les ponts - voir Delbecq 1983 [8]).
Objectif de l'étude   Nous savons donc avant même de commencer cette étude que les résultats décrits dans la littérature concernant la résistance des pierres n'apporteront qu'une information limitée en raison de la variabilité des résultats, et rarement utile en raison du caractère géométrique de la stabilité des maçonneries, et qui ne fait donc pas intervenir la résistance à la compression des pierres.
Cependant il existe des cas où on constate des fissures de compression sur les maçonneries. En l'absence d'essais en laboratoire faute de moyens, ou afin de déterminer si ces essais coûteux peuvent apporter une information utile, il nous semble opportun d'exposer le plus clairement possible les informations qu'il est possible d'obtenir dans les tables existantes.
Le but ici n'est donc pas de déterminer la résistance des pierres, mais plutôt de borner cette dernière. Il s'agit en quelque sorte comme pour le calcul à la rupture d'une approche statique par l'extérieur. Cette approche peut sembler insuffisante. En réalité, elle est utile dans bien des cas pour l'ingénieur chargé du diagnostic des structures anciennes, en permettant de réduire les possibles origines des désordres.

2  Vocabulaire

Avant de se plonger dans le cœur du sujet, commençons par définir quelques points de vocabulaire qui nous serons utiles dans la suite.
Calcaire   Le calcaire est une roche sédimentaire composée majoritairement de carbonate de calcium CaCO3. Il existe différent types de calcaire, qui peuvent être classés :
  • du point de vue minéralogique (siliceux, sableux, argileux, ferrugineux, magnésien, dolomitique...)
  • du point de vue de leur origine (oolithique, pisolithique, travertin, craie, grossier, lithographique, à entroques... )
  • du point de vue biologique (à nummulites, à rudistes, à encrines, à crinoïdes ...)
  • du point de vue de leur dureté (voir ci-dessous)
  • ...
Le marbre, la craie, le travertin, le tuf sont proches du calcaire, mais nous ne les intégrerons pas à notre étude. Les limites sont cependant floues entre ces matériaux et le simple calcaire, comme le montrent les appellations : calcaire crayeux, pierre calcaire marbrière... Le tuffeau (ou tufeau), qui peut être classé comme une craie, sera cependant considéré dans la suite, en raison de son emploi très répandu dans certaines régions.
Lambourde   Le terme lambourde désigne ici un calcaire tendre provenant des derniers bancs des carrières dans le bassin parisien. .
Vergelé   Certains dictionnaires font du vergelé un synonyme de lambourde. Pour d'autres, il s'agit d'un ancien terme faisant référence à un calcaire à milioles du bassin parisien, dont l'usage a disparu en raison de la confusion possible avec les pierres gélives (Noël 1968 [20]).
Molasse   Ce terme désigne ici un calcaire gréseux, ou un grès à ciment de calcaire. Il peut également faire référence à un défaut dans une pierre, et désigner une veine terreuse.
Banc   Noël définit un banc comme une "couche naturelle de pierre se terminant au-dessus et en-dessous par une séparation nette" (1968 [20]). La hauteur des bancs exploités varie suivant les carrières. Les plus courantes vont de 30cm à 200cm environ. On trouve également des bancs de hauteur beaucoup plus importante, par exemple dans le Vaucluse (jusqu'à 30m). Les bancs reçoivent des appellations commerciales, propres à chaque carrière. Les termes suivants sont également d'un emploi très courant, et accompagné du nom de la carrière d'extraction : banc franc, banc royal etc.
Dureté   La dureté d'une pierre est définie par un des terme suivant : très tendre, tendre, demi-ferme, ferme, dure, froide. Malgré les tentatives de donner une signification absolue à ces termes (voir l'ancienne norme NF B 10-001), ces derniers permettent principalement de distinguer les différents bancs d'une même carrière.
Poids volumique apparent   Le poids volumique apparent (appelé simplement poids volumique2 dans la suite), est défini comme le rapport entre le poids et le volume apparent, le poids étant mesuré après dessiccation jusqu'à obtention d'un poids constant de l'échantillon.
Résistance à la compression   Egalement appelée résistance à l'écrasement, elle désigne dans la suite de cet article la charge que peut reprendre une pierre posée sur sa face inférieure, libre sur ses quatre côtés, et chargée verticalement sur sa face supérieure.
Résistance moyenne et résistance caractéristique   La résistance moyenne correspond, comme son nom l'indique, à la valeur moyenne tirées des essais de compression. Pour que cette valeur moyenne ait un sens, il faut qu'un nombre minimal d'essais soit réalisés. La norme actuelle impose un miminum de 6 échantillons pour les tests (Norme NF EN 771-1 - Méthodes d'essai des éléments de maçonnerie - Partie 1 : Détermination de la résistance à la compression - Août 2011).
La résistance caractéristique n'est pas la résistance moyenne. La résistance caractéristique est généralement choisie égale au fractile 5%, c'est-à-dire pour simplifier que si 100 pierres étaient testées, environ 5 d'entre-elles auraient une résistance inférieure à la résistance caractéristique.
Les résistances donnés dans l'ensemble de cet article sont des résistances moyennes, et non des résistances caractéristiques. En effet, bien qu'il soit devenu l'usage pour tous les autres matériaux de construction (bois, métal, béton etc.) d'utiliser les valeurs caractéristiques, la pierre naturelle a gardé la spécificité d'être étudiée la plupart du temps à partir de ses valeurs moyennes.
Notations et unités   Nous utiliserons les notations suivantes dans cet article.
  • $\fuc $ : résistance à la compression des éléments de maçonneries (units : pierres, briques, etc.)
  • $\fut $ : résistance à la traction des éléments de maçonneries
  • $\fmc $ : résistance à la compression du mortier
  • $\rho $ : poids volumique apparent
  • $E$ : module d'Young (module d'élasticité)
  • $\nu $ : coefficient de Poisson
Nous utiliserons comme unité de contrainte les kilogrammes par centimètre carré (kg/cm2). 1kg/cm2 est égal3 à 1daN/cm2 ou 1bar. C'est l'unité traditionnelle utilisée pour le calcul des maçonneries, mais elle ne correspond plus aux unités couramment utilisées aujourd'hui dans les articles de recherche et les normes, où on lui préfère le mégapascal (MPa). La conversion entre ces deux unités est simple : 10bar = 1MPa.
L'ensemble des poids volumiques sont exprimés en kilogramme par mètre cube (kg/m3) dans la suite.

3  Essais de compression

Nous allons utiliser dans les suite les résultats des essais de compression sur les pierres calcaires publiés dans deux sources principalement : d'une part les résultats des essais de Rondelet, tels que publiés par Gauthey (1843 [13]), qui représentent la première source importante disponible dès le début du XIXe siècle, et d'autre part les résultats publiés dans Essai de Nomenclature des carrières françaises de roches de construction et de décoration (1976 [5]), que nous appelerons Essai de Nomenclature dans la suite.
Les résultats d'un essai de compression sur une pierre sont influencés par les facteurs suivants :
  • la vitesse de chargement, cette dernière correspondant en règle générale à la rupture de l'échantillon en 1 à 2 minutes, pour les essais de court terme, qui forment la quasi-intégralité des résultats publiés ;
  • les dimensions de l'échantillon, la résistance de l'échantillon diminuant avec l'augmentation de ses dimensions ;
  • l'élancement de l'échantillon, la résistance de l'échantillon diminuant avec l'augmentation de son élancement ;
  • la géométrie de l'échantillon (parallélépipède ou cylindre) ;
  • le parallélisme des faces de l'échantillon, toute erreur de façonnage des éprouvettes conduisant à une nette diminution de la résistance mesurée ;
  • le conditionnement de l'échantillon : séchage à l'air, séchage en étuve, conditionnement à une teneur en eau de 6%, conditionnement par immersion ;
  • la machine utilisée pour les essais.
Les essais sur les pierres sont aujourd'hui normés, afin de garantir que les résultats des tests puissent être comparés entre eux et conformes aux modes de calcul imposés par les normes. Ainsi des facteurs correctifs sont proposés de manière à se reporter à la situation suivante : échantillon de 100mm de côté et 100mm de hauteur, séché à l'air.
La comparaison entre les résultats des études du XVIIIe XIXe et XXe doit être réalisée avec beaucoup de réserves, en raison de ces multiples facteurs d'influence.

4  Historique

La résistance des pierres n'est abordée du point de vue du calcul qu'à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle en France. Les caractéristiques relatives des différentes pierres étaient déjà connues alors depuis fort longtemps : on utilisait plus volontiers les pierres les plus légères pour construire les voûtains des voûtes, les pierres les moins gélives pour les parements exposés, les pierres les plus résistantes pour les soubassements et les parties basses des piliers. Cependant Rondelet note qu'en Occident "l'épaisseur considérable que les anciens donnaient aux parties de leurs édifices prouve qu'ils n'avaient aucune idée de la force des pierres" (1805 [25]). C'est donc par comparaison aux édifices existants, et par expérimentation, que l'élancement des parties verticales porteuses des édifices augmente, avec l'augmentation de la hauteur des édifices, ou réciproquement avec la diminution du diamètre des colonnes, des piédroits, de l'épaisseur des murs etc.
Les premiers tests de résistance à la compression sont réalisés par Gauthey4 en 1771 à l'occasion d'une controverse sur la dimension à donner aux piliers portant le dôme du Panthéon à Paris (ancienne église Sainte-Geneviève). Les résultats de ces essais furent publiés en 1774. Ces essais furent suivis par d'autres réalisés par Soufflot et Perronet dans les années qui suivirent. La figure 1 montre une de ces premières machines pour les essais expérimentaux.
Machine pour tests de résistance à la compression des pierres de Gauthey en 1771
Fig 1: Machine de Gauthey pour les essais de 1771 - d'après Gauthey 1843 [13]
Ces premières machines surestimaient la résistance des pierres. Rondelet met au point une nouvelle machine plus fiable en 1787 (figure 2), et conduit une série d'expérience, qui semble être la première de cette ampleur. Rondelet teste notamment 180 pierres différentes, et en donne la masse volumique et la résistance à la compression : calcaires, marbres, grès, granit, tuf, pierre ponce, laves etc. Il indique les valeurs des différents bancs pour les carrières les plus connues. Rondelet accompagne également ces résultats d'autres essais, pour essayer de déterminer l'influence de la taille des échantillons, de la position de la pierre par rapport aux limites hautes et basses du banc etc.
Machine pour tests de résistance à la compression des pierres de Rondelet
Fig 2: Machine de Rondelet - d'après Gauthey 1843 [13]
Les essais de Rondelet seront repris par de très nombreux traités de construction tout au long du XIXe siècle. Ils sont généralement condensés (par exemple Claudel distingue les valeurs des bancs, mais donne beaucoup moins de valeurs que Rondelet - Claudel 1864 [4]). Ils indiquent parfois simplement pour chaque carrière les valeurs basses et hautes pour le poids volumique et la résistance à la compression, sans différencier les différents bancs (par exemple Denfer 1891 [9]).
La compréhension du phénomène de rupture et de l'influence des différents paramètres sur les résultats des essais reste limitée à la fin du XVIIIe siècle, lorsque Rondelet réalise la plupart de ses essais. Les annales des Ponts et Chaussées publieront ensuite à la fois de nouveaux résultats (Michelot 1863, 1868 et 1870), et des études sur les facteurs d'influence sur les résultats des essais (par exemple Vicat 1833 [29] et Durand-Claye 1888 [12]).
A partir des résultats des essais de compression sur les pierres, la résistance de calcul de la maçonnerie était obtenue en divisant par 10 la résistance obtenue par essai (Gauthey 1843 [13, p. 206]). La résistance des pierres calcaires pouvait également être déterminé autrement que par un essai. Ainsi Planat5 propose de relier la densité et la résistance des pierres calcaires au temps nécessaire pour la taille ([23, p.80]).
Des tests de charges pouvaient être réalisés pour s'assurer de la résistance de certains éléments importants. Noël cite le cas de l'opéra Garnier, à Paris, où Garnier fit réaliser des tests sur les grandes colonnes, en écrasant des blocs de pierre d'Euville sur le sommet de ces dernières. Des tests avaient en effet montré que la pierre d'Euville présentait une résistance à la compression assez régulière, et donc bien connue. L'écrasement des blocs sur le sommet des colonnes montraient donc que ces dernières pouvaient résister au moins à la force nécessaire pour l'écrasement des blocs, cette force étant calculable (Noël 1968 [20]).
Il serait probablement très instructif de réaliser une généalogie des valeurs des essais retranscrits au XIXe siècle dans les traités de construction, mais ce travail reste à faire. Nous avons choisi de limiter l'exploitation des données à celles publiées dans un seul ouvrage du XIXe (essais de Rondelet tels que publiés par Gauthey / Navier), en raison de l'incertitude qui règne souvent sur l'origine des valeurs publiées dans les traités de la construction.

5  Répartition géographique des carrières

Les calcaires proviennent en France d'un des trois grands bassins de sédimentation : le bassin Parisien, le bassin Aquitain, et le bassin du Rhône.
La densité par département des carrières pour lesquelles il existe des valeurs de résistance à la compression dans l'Essai de Nomenclature est donnée sur la carte 3. Les données couvrent à peu près l'ensemble des trois bassins. Les grandes régions pour lesquelles il n'existe pas de valeurs (Bretagne, Nord du Massif-Central) correspondent à des zones dans lesquelles les pierres de construction ne sont pas le calcaire, mais plutôt le grès, le granit, le schiste etc. Cependant l'absence de valeurs ne signifie pas une absence d'utilisation. On trouve par exemple des calcaires en Bretagne, pour lesquels il n'existe pas de valeurs de résistance dans l'Essai de Nomenclature (Chauris 2010 [2]).
Il existe des départements isolés pour lesquels nous n'avons pas de valeur : Ariège, Aube, Deux-Sèvres, Sarthe, Tarn, Essonne, Yvelines, Val-de-Marne (alors que pour ces deux derniers départements il existe des valeurs dans Rondelet). La densité de la carte 3 ne correspond pas nécessairement à la densité réelle des carrières, puisque seule une petite partie des pierres de carrière ont fait l'objet de test de résistance à la compression dans l'Essai de Nomenclature.
Carte du nombre de carrières de pierre calcaire par département français dans l'Essai de nomenclature
Fig 3: Nombre de carrières recensées par département6
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
La carte 4 montre la répartition des valeurs recueillies par Rondelet. Elles correspondent dans la grande majorité au bassin Parisien, avec quelques valeurs pour le bassin du Rhône.
En raison des difficultés de transport terrestre (état des routes, insécurité) et de l'augmentation rapide du coût avec la distance entre la carrière et le chantier (péages, coût du transport), les bâtiments médiévaux étaient construits avec des pierres provenant de l'environnement proche de l'édifice. A titre d'exemple, la distance de 30km est citée comme exceptionnelle par Noël (1968 [20, Art. pierre]). Halleux écrit que le coût de la pierre pouvait être multipliée par sept entre le départ de la carrière et l'arrivée au chantier (2002 [14]). En règle générale, les pierres du gros-œuvre proviennent donc toutes des carrières proches de l'édifice. Cependant, là ou le matériau manquait, il fallait bien l'importer, parfois sur plus d'une centaine de kilomètres. Cailleaux indique que les maîtres d'œuvre de la région de Sens faisaient importer des pierres calcaires depuis Paris ou l'Oise, principalement par transport fluvial (2008 [1]). Noël évoque l'importation de pierre de Normandie pour la construction des cathédrales en Angleterre (1968 [20]), par voie maritime.
Carte du nombre de carrières de pierre calcaire par département dans les essais de Rondelet
Fig 4: Nombre de carrières recensées par département
d'après essais de Rondelet, dans Gauthey 1843 [13]

6  Tendances des caractéristiques des calcaires

6.1  Poids volumique apparent

Comme le poids volumique de la pierre est la donnée la plus facile à mesurer, nous utiliserons cette dernière comme point de départ dans la suite, lors de l'étude de la résistance à la compression.
Les calcaires les plus légers sont la pierre de Saint-Fraigne en Charente (1200kg/m3), la pierre de Colligis dans l'Aisne (1300 à 1500kg/m3), et le Tuffeau de Touraine exploité dans les environs de Vendôme (1357 à 1532kg/m3).
Les calcaires les plus lourds sont la pierre d'Annoisin-Chatelans en Isère (2890kg/m3), la pierre de Pompignan dans le Gard (2650 à 2850kg/m3), et les pierres d'Andelarrot dans la Haute-Saône, de Sancey dans le Doubs, de Villars en Côte-d'Or (2800kg/m3). La pierre d'Annoisin-Chatelans est qualifié dans la nomenclature de calcaire légèrement gréseux, les autres pierres étant qualifiées de calcaire compact.
L'ensemble des calcaires recensés dans les départements suivants ont un poids volumique supérieur à 2500kg/m3 : Nord, Var, Ardèche, Ain, Alpes-Maritimes, Pas-de-Calais, Haute-Saône, Seine-et-Marne (Groupe A, en bleu sur la figure 6). L'ensemble des calcaires recensés dans les départements suivants ont un poids volumique inférieur à 2000kg/m3 : Ardennes, Hérault, Gironde, Maine-et-Loire (Groupe B, en rouge sur la figure 6).
Le carte 5 représente le poids volumique moyen des calcaires par département.
Carte du poids volumique moyen des pierres calcaire par département d'après l'Essai de nomenclature
Fig 5: Poids volumique moyen, pour les carrières de chaque département
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
Un des facteurs important est la porosité : plus une pierre est poreuse, plus son poids volumique sera faible.

6.2  Résistance à la compression

Nous avons déjà défini plus haut la signification de la résistance à la compression ou à l'écrasement.
Les valeurs de résistance à la compression et de poids volumique sont données dans l'Essai de Nomenclature ou bien par une valeur unique, ou bien sous forme d'une fourchette, avec une valeur haute et une valeur basse. Ces fourchettes peuvent être interprétées de deux manières. Soit les fourchettes indiquent l'intervalle dans lequel se trouvent l'ensemble des valeurs de résistance des pierres qui ont été testées. Soit les fourchettes indiquent l'intervalle dans lequel se trouvent l'ensemble des valeurs moyennes de résistance des lots de pierres qui ont été testés. Nous avons supposé pour l'interprétation des données dans la suite, que les fourchettes correspondaient à la seconde situation7, car nous n'avons pas trouvé cette information dans l'Essai de Nomenclature.
La figure 6 donne la résistance à la compression en fonction du poids volumique, pour l'ensemble des calcaires pour lesquels il existe des valeurs dans l'Essai de Nomenclature. Les règles de construction de ce graphique sont les suivantes. Lorsque que les valeurs étaient données sous forme de fourchette, nous avons représenté deux points, le premier correspondant aux valeurs minimales de la résistance et du poids, et le second correspondant aux valeurs maximales de la résistance et du poids.
Carte de la résistance à la compression des pierres calcaires par département d'après l'Essai de nomenclature
Fig 6: Résistance à la compression en fonction du poids volumique apparent
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
Si on considère les valeurs inférieures des fourchettes de résistance données dans l'Essai de Nomenclature, les calcaires les moins résistants sont le tuffeau d'Antoigné dans la Vienne (15 à 68kg/cm2), la pierre de Rognes dans les Bouches-du-Rhône (17 à 143kg/cm2), et la pierre de Castillon dans le Gard (20 à 109kg/cm2). Ces deux dernières pierres sont qualifiées dans de molasses coquillières. Si on considère les valeurs supérieures des fourchettes données dans l'Essai de Nomenclature, les calcaires les moins résistants sont la pierre de Daignac (37 à 49kg/cm2) et la pierre de Camarsac (41 à 49kg/cm2) en Gironde, et la pierre de Colligis dans l'Aisne (30 à 50kg/cm2).
En considérant les valeurs supérieures des fourchettes de résistance données dans l'Essai de Nomenclature, les calcaires les plus résistants sont la pierre marbrière de Comblanchien en Côte-d'Or (1100 à 2600kg/cm2), la pierre de Chomérac en Ardèche (1768 à 2590kg/cm2), la pierre de Corgoloin en Côte-d'Or (1160 à 2570kg/cm2), ces calcaires étant qualifiés de très compacts ou marbriers.
L'ensemble des calcaires recensés ont une résistance à la compression supérieure à 500kg/cm2 dans les départements suivants : Nord, Var, Ardèche, Ain, Alpes-Maritimes, Pas-de-Calais, Haute-Saône, Seine-et-Marne (Groupe A, en bleu sur la figure 6). L'ensemble des calcaires recensés ont une résistance à la compression inférieure à 200kg/cm2 dans les départements suivants : Ardennes, Hérault, Gironde, Maine-et-Loire (Groupe B, en rouge sur la figure 6). La carte 7, qui représente la résistance à la compression maximale que l'on peut trouver dans une carrière de chaque département, permet de localiser un peu ces tendances.
Carte de la résistance à la compression maximale des pierres calcaire par département d'après l'Essai de nomenclature
Fig 7: Résistance à la compression maximale, pour les carrières de chaque département
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
La résistance augmente avec le poids volumique. Il est possible de préciser cette remarque, en remarquent que l'ensemble des résistances à la compression de l'Essai de Nomenclature sont compris entre deux courbes8 (Fig. 8) définies par : \begin{eqnarray*} &\fuc = 1,90 \times \exp(0,269\times\rho) \quad&\text{ (A)}\\ &\fuc = 0,31 \times \exp(0,269\times\rho)\quad &\text{ (B)} \end{eqnarray*} Pour un poids volumique donné, on peut donc déterminer avec suffisamment de certitude l'intervalle dans lequel la résistance doit être comprise. La valeur supérieure de l'intervalle vaut environ 6 fois la valeur inférieure. Cet intervalle est donc très large. Cette largeur est la traduction de la variabilité des caractéristiques mécaniques des pierres entre pierres de bancs différents, et partiellement entre les pierres des mêmes bancs9. Il serait possible de réduire la taille de cet intervalle, mais cela réduirait alors la probabilité que la résistance de pierre se trouve à l'intérieur de cet intervalle. Nous avons choisi les courbes limites de manières à n'avoir que 5% des résultats au dessus de la courbe haute, et 5% des résultats au dessous de la courbe basse.
La courbe donnée par de Perrodil pour la correspondance entre poids volumique et résistance à la compression des calcaires du "bassin de Paris et départements de l'Est" (1880 [7]) et celle proposée par Planat [23] sont également indiquées sur la figure 8.
Abaque de la résistance à la compression du calcaire en fonction du poids volumique d'après l'Essai de nomenclature
Fig 8: Résistance à la compression (kg/cm2) en fonction du poids volumique apparent (kg/m3)
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
d'après tableau de Perrodil 1880 [7]
d'après abaque de Planat [23] - voir fig. 9
Abaque de la résistance à la compression du calcaire en fonction du poids volumique d'après Planat
Fig 9: Résistance à la compression (kg/cm2) en fonction du poids volumique apparent (kg/m3)
d'après Planat [23] - scanné par la BNF
Maintenant que les premières tendances des résistances des calcaires ont été exposées, il est intéressant de comparer les groupes de données entre-elles. Sur la figure 10, les résultats de Rondelet sont marqués en rouge, ceux de l'Essai de Nomenclature en noir. On s'aperçoit que les résultats obtenus par Rondelet sont plus réguliers que l'ensemble des résultats de l'Essai de Nomenclature. L'explication est probablement que ces essais ont été réalisés sur un nombre de carrières plus restreints tant en nombre qu'en localisation (comparer les cartes 3 et 4 ci-dessus), avec un seul protocole d'essai et une même machine (ou type de machine). On note également un décalage global entre les valeurs de Rondelet et les valeurs de l'Essai de Nomenclature. Ce décalage correspond soit à des résistances à la compression un peu plus faibles, soit à des poids volumiques un peu plus forts, soit à une combinaison de ces deux effets. Cet exemple montre bien qu'il faut prendre les résultats d'essais anciens avec précaution pour les employer aujourd'hui, car ces derniers sont toujours liés au protocole d'essai qui avait été choisi, et qui ne correspond pas nécessairement à notre protocole actuel fixé par la norme. Durand-Claye indique à ce propos, que "Dans tous les cas, les comparaisons ne sont valables qu'autant que l'on a opéré sur des éprouvettes de forme identique et avec le même appareil" (1888 [12]). Cela augmente la difficulté d'accumuler suffisamment de résultats pour mener des études d'ensemble, puisque les standards et les normes évoluent : les essais menés aujourd'hui seront-ils encore exploitables par la prochaine génération ?
Parmi les différentes propriétés de la résistance des pierres que Rondelet a mis en avant, on trouve la suivante : "la force des pierres de même genre est à-peu-près comme le cube de leur pesanteur spécifique". Cette observation s'appuie sur les essais qu'il a conduit et rapporte dans l'Art de bâtir (1805 [25]). La proportionnalité entre la résistance de la pierre et le cube de son poids n'est à-peu-près valable que dans le cadre très réduit que Rondelet donne, c'est-à-dire pour les pierres de "même genre", que l'on peut probablement transcrire sans trop trahir l'auteur par les pierres d'un même banc. Cette relation entre poids et résistance ne doit pas être étendue au delà de ce sens réduit. En effet, en réalisant une régression linéaire sur l'ensemble des résultats de Rondelet publiés par Gauthey (1843 [13, Tab. 2]), on trouve que les résultats pris dans leur ensemble (et non plus au sein d'un même banc) sont proportionnels au poids volumique élevé à la puissance 4,6 environ, le coefficient de corrélation restant assez faible.
Abaque de la résistance à la compression du calcaire en fonction du poids volumique d'après l'Essai de nomenclature
Fig 10: Résistance à la compression (kg/cm2) en fonction du poids volumique apparent (kg/m3)
d'après essais tirés de l'Essai de Nomenclature 1976 [5]
d'après essais de Rondelet, dans Gauthey 1843 [13] (points en rouge)
Pierres posées sur lit / en délit   Pour conclure sur la résistance à la compression des pierres calcaires, il convient de souligner que les valeurs ci-dessus sont des valeurs tirées d'expériences dans des conditions bien particulières, qui ne reflètent pas toujours les conditions d'emploi des pierres. La résistance des pierres peut ainsi varier suivant qu'elle est posée de lit ou de champ. Les données sont contradictoires sur ce point. Gauthey avance avec précaution que la pierre placée en délit pourrait être plus résistante que celle posée sur son lit de carrière10 (1843 [13, p.206]). Planat indique le contraire, et donne comme cas extrême l'exemple de la pierre de Ravières, qui a une résistance de 319kg/cm2 posée de lit, et seulement de 254kg/cm2 placée en délit ([23, p. 71]). Ces informations semblent concerner la résistance à la compression, mais les textes ne sont pas très clairs sur ce point. Concernant la résistance à la flexion, Choisy note dans la partie consacrée aux plate-bandes de l'architecture grecque : "A section égale une pierre posée en délit (croquis N fig3) exigera pour se rompre une plus lourde charge que la pierre sur lit de carrière M" (1899 [3, p.270]).
pierre posée sur lit de carrière et pierre posée en délit
Fig 11: pierre sur lit de carrière M, pierre posée en délit N
d'après Choisy 1899 [3, p.270]
Teneur en eau   La teneur en eau des pierres influe elle-aussi sur la résistance à la compression. Planat indique sur ce point : "Les grès bigarrés des Vosges, les bancs royals et les pierres tendres du bassin parisien, les molasses du Midi, etc., perdent, imbibés d'eau, le tiers ou le quart de leur résistance. Le banc royal d'Eragny, près de Pontoise, fraîchement extrait et encore humide de son eau de carrière, n'a pas une résistance égale à la moitié de celle qu'il atteint lorsqu'il est entièrement sec" [23, p. 71-72].

6.3  Résistance à la flexion et à la traction

Les données que nous avons pu réunir sur la résistance à la flexion des calcaires sont trop restreintes en nombre pour pouvoir réaliser la même étude que pour la compression11. Pour information, la résistance à la flexion (au sens de la norme NF EN 12372 - flexion sur deux appui avec une force centrale) semble être de l'ordre du 1/10e (entre le 1/15e et le 1/4) de la résistance à la compression de la même pierre.
Les informations sur la traction sont encore plus rares que pour la flexion. Planat mentionne un rapport de 0,133 entre la résistance à la traction et celle à la compression, tout en soulignant le manque de valeurs sur cette question, et donc le peu de fiabilité de cette valeur [23, p. 85]. Il donne dans un autre ouvrage un rapport de $\frac{1}{10}$ (1888 [24, p. 533]).

7  Autres

Le module d'Young et le coefficient de poisson, qui permettent de relier les déformations de la pierre aux contraintes, sont des caractéristiques rarement mesurées. L'Essai de Nomenclature ne donne par exemple aucune valeur de ce type.
A titre d'information, nous avons seulement trouvé les informations suivantes dans la littérature :
  • Domède (2006 [10]) donne pour un calcaire blanc du Tarn : $\rho $=2368kg/m3, $\fuc $=495kg/cm2, $E$=281370kg/cm2 (28,1GPa) soit $E=568\fuc $, et $\nu $=0,25
  • Croci et al. (2008 [6]) donnent pour le travertin12 des marchés de Trajan à Rome : $\rho $=2400kg/m3, $E$=200000kg/cm2 (20,0GPa), et $\nu $=0,10.
  • Pegon et al. (2001 [22]) donnent pour un calcaire du Portugal : $\rho $=2500kg/m3, $E$=230000kg/cm2 (23GPa), et $\nu $=0,20
  • Heyman (1966[15]) donne comme valeur basse pour le module d'Young de la pierre 3.106lb/in2 soit 207000kg/cm2 (20,7GPa)
  • Verdel (1993[28, p.136 et 184]) donne pour le calcaire des colosses de Memnon et de leur environnement immédiat : $\rho $=2400kg/m3, $\fuc $=128kg/cm2, $E$=120000kg/cm2 (12GPa), et $\nu $=0,21
  • Mele et al. (2001[18]) donnent pour un tuf de Naples : $\rho $=1700kg/m3, $\fuc $=17kg/cm2, $E$=11000kg/cm2 (1,1GPa), $G$=5180kg/cm2 (0,518GPa), et $\nu $=0,071
  • Vion et Poineau (2001[30]) donnent pour le calcaire du pont en maçonnerie sur le Loup à Villeneuve-Loubet : $\fuc $=1760kg/cm2, $E$=200000kg/cm2 (20GPa) Vion et Poineau indiquent une pierre calcaire avec une résistance maximum à la compression de 1760kg/cm2, et E=200000kg/cm2 (20GPa)
  • Durand-Claye (1888 [12]) donne les valeurs de $E$ pour plusieurs pierres.
  • Omikrine Metalssi et al. (2013 [21]) donnent : $\rho $=1660kg/m3, $\fuc $=102kg/cm2, $\fuc $=16kg/cm2, $E$=73000kg/cm2 (7,3GPa), et $\nu $=0,23 (Il n'est pas précisé si la pierre testée est effectivement du calcaire, mais c'est probable).
  • Efunda propose les valeurs suivantes pour le calcaire (limestone) : $E$ compris entre 200000 et 700000kg/cm2 (entre 20 et 70GPa), et $\nu $ compris entre 0,2 et 0,3. Ces données sont à prendre avec précaution, puisque l'on trouve sur la même page que la résistance du calcaire est comprise entre 200 et 2000kg/cm2, ce qui ne couvre qu'une petite partie des résistances possibles des pierres calcaires que nous avons recensé dans l'Essai de Nomenclature.

8  Limitations

Nous rappellerons avant de conclure les limites et biais importants des cartes, graphiques, et valeurs numériques que nous avons présenté ici.
  • la délimitation des zones géographiques des cartes est arbitraire : elle correspond aux limites administratives actuelles des départements, héritées de la révolution. Il aurait pu être choisi de définir des zones en utilisant d'autres limites, comme :
    • les limites géologiques
    • les limites historiques
  • les sources sont en nombre relativement réduit (environ 400 types de pierres calcaires ont été réunies à partir de l'Essai de Nomenclature, et 150 à partir des essais de Rondelet)
  • les sources ont été récoltées selon un certain prisme : seules les carrières pour lesquelles des tests existent ont été retenues. Cela met en avant les carrières qui étaient encore ouvertes à la fin du XIXe et au XXe siècle, et pour lesquelles des essais ont été réalisés préférentiellement en raison de leur commercialisation
  • il aurait probablement été intéressant de combiner cette étude sur les caractéristiques mécaniques à une étude géologique plus poussée, en distinguant par exemple les différentes couches géologiques (Crétacé, Jurassique, sous-familles etc.) dont sont issus les bancs.
  • les données recensées dans l'Essai de Nomenclature utilisent principalement la norme NF B. 10.509 pour les essais de compression, cependant certains résultats proviennent également du Répertoire des carrières de 1889, pour lequel le protocole d'essai n'est pas connu.

9  Conclusion

Les caractéristiques des pierres ont fait l'objet d'études approfondies dans les années 1940-1950 en France, mais nous n'avons pas encore pu consulter les sources correspondantes (Mamillan 1954 [17]). Ces études semblent être poursuivies par quelques chercheurs, par exemple Moh'd (2009 [19]) qui relie la résistance à la compression de quelques calcaires français à leurs caractéristiques (résistance, porosité, vitesse du son). Nous compléterons cet article lorsque nous aurons pu consulter ces sources.
En raison des nombreuses limitations rappelées ci-dessus, il faut prendre les différentes cartes, graphiques et formules que nous avons proposé avec beaucoup de prudence. Pour préciser les caractéristiques des calcaires, le lecteur pourra visiter les bases de données actuellement disponibles gratuitement sur internet et indiquées ci-dessous, cependant les essais de résistance à la compression en laboratoire resteront incontournables dans de nombreux cas.
Il est évident que les informations sur la résistance à la compression ne peuvent se suffirent à elles-même pour comprendre le matériau pierre. Il faut tenir compte de la position de la pierre dans l'édifice, de son comportement face aux attaques extérieures (gel, pollution, etc.), de l'influence de sa taille et de sa mise en œuvre... Autant d'approches qui ont été passées sous silence ici, et qui mériteraient pourtant qu'on s'y attarde. Nous espérons cependant avoir réussi à tracer quelques frontières autour des caractéristiques mécaniques à attendre des pierres calcaires. Nous poursuivrons cette exploration dans le futur, en étudiant d'autres types de pierre.
 
Article mis en ligne le : 05/01/2013.
Révisé le : 26/09/2013.

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Notes:

1 Résal notait par exemple que "[...] si l'on considère les calcaires non seulement on trouve dans la même carrière des couches successives dont les résistances diffèrent sensiblement, mais encore la charge de rupture peut varier du simple au double pour des blocs extraits du même banc et présentant le même poids spécifique." (1887 [26, tome 1 p. 336])
2 Les termes suivants sont synonymes dans la pratique pour l'ingénieur en bâtiment : poids volumique, masse volumique, densité volumique, bien que cela constitue un abus de langage.
3 L'égalité entre 1daN et 1kg est un "abus de langage" couramment utilisé dans le domaine du bâtiment.
4 Emiland Gauthey (1732-1806) est un ingénieur Français, auteur du Traité de la construction des ponts (1943 [13]). L'édition de 1843 est publiée et remaniée par Navier, après la mort de Gauthey. Nous ferons référence dans la suite à Gauthey lorsque nous citerons cet ouvrage, tout en sachant que certaines des affirmations de ce volume sont dues en réalité à Navier.
5 Nous n'avons pas pu retrouver la date de publication de la cinquième édition de l'ouvrage de Planat. Après 1887, peut-être 1898.
6 L'ensemble des cartes utilisées pour cet article ont été conçues avec l'aide du logiciel Epi-info. Suite à un bug du logiciel, les légendes présentent quelques imprécisions.
7 Il faudrait donc revoir l'interprétation qui a été faite ici si notre hypothèse était fausse
8 L'exposant de l'exponentielle a été déterminé par régression linéaire. Les résultats de cette régression sont assez mauvais, comme le montre le coefficient $R^{2}$=0,82. On a ensuite décalé cette courbe vers le haut et le bas de manière à ne pas avoir plus de 5% des résultats au dessus, ou au dessous de ces courbes.
9 En effet la variabilité des résultats pour les pierres d'une même carrière est lissée puisqu'on a utilisé la valeur moyenne qui est donné par l'Essai de Nomenclature. Cette remarque doit être nuancée cependant, car l'Essai de Nomenclature donne parfois pour certains bancs une fourchette de valeurs, et non une valeur unique. Nous ne savons pas si cette fourchette correspond à la fourchette dans laquelle se trouvent les valeurs moyennes de différents lots de pierres, ou si elle correspond à la fourchette dans laquelle se trouvent l'ensemble des valeurs de résistance trouvées expérimentalement comme nous l'avons déjà noté plus haut.
10 "[...] quelques expériences paraissent indiquer que la pierre placée en délit est susceptible d'une plus grande résistance que la pierre posée sur ses lits de carrière.. Mais plusieurs raisons s'opposent à ce que, dans les constructions, la pierre soit en général employée de cette manière." (Gauthey 1843 [13, p.206])
11 Les observations sur la résistance à la flexion des pierres calcaires présentées ici sont tirées d'un échantillon d'une quarantaine de pierres calcaires différentes actuellement commercialisés et pour lesquels les fiches techniques diffusés par les carrières indiquent des résistances à la compression.
12 Ces données sont présentées dans l'article de Croci et al. (2008 [6]) comme étant celles prises pour la modélisation, l'origine exacte de ces résultats n'est pas connue.